Haltère ego : Vidéo sur Instagram et obligation de loyauté : un salarié peut-il promouvoir une salle de sport concurrente de celle de son employeur ?

  1. Faits :

Invité par un client de son employeur, un manager sportif participe à une séance d’entrainement dans une salle de sport concurrente à celle de son employeur pendant un jour de repos. Celui-ci décide de filmer son entrainement et de le publier sur son comte Instagram. Plusieurs éléments de cette publication retiennent l’attention de son employeur :

  • On distingue clairement son identité au sein de son profil ;
  • Le logo de la salle concurrente Basic Fit est présente dans la story ;
  • Des commentaires sont ajoutés par le salarié tels que « congestion de fou sur cette machine » ;
  • Celui-ci fait des éloges sur la salle de sport concurrente et ses machines.

L’employeur justifiait aussi :

  • Que la similitude des prestations proposées par les deux salles de sports au regard  de la taille moyenne de la ville démontraient que les deux salles de sport se trouvaient directement en concurrence ;
  • De deux demandes de résiliation d’abonnement en février et mars 2020, dont celle de l’ami du salarié, qui lui avait proposé d’effectuer la séance d’entrainement au sein de la salle Basic Fit, de sorte que l’employeur établissait que la séance d’entrainement au sein de la salle concurrente avait eu des conséquences directes pour ses abonnés.

L’employeur licencie le salarié pour faute grave. Le salarié obtient gain de cause devant le Conseil de prud’hommes d’Évreux mais la Cour d’appel  de Rouen décide de valider le licenciement pour faute grave au motif que le salarié a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution de son contrat de travail.

De son côté, le salarié reconnaissait les faits mais considérait que cet évènement avait eu lieu sur un jour de repos et relevait par conséquent de sa vie privée.

2. Solution :

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié, ne peut, en principe justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattachant à sa vie professionnelle, rappelle la Cour de cassation.

Ainsi, le fait pour un manager sportif de pratiquer une activité sportive dans une salle de sport concurrente et de diffuser des images de son entrainement sur un réseau social, dans le cadre de sa vie personnelle constitue-t-il un manquement du salarié à son obligation de loyauté ?

En d’autres termes des faits tirés de la vie personnelle du salarié peuvent-ils justifier un licenciement disciplinaire ?

Non, répond la Cour de cassation rappelant que cela ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail.

On comprend également que la perte de deux clients pour une salle de sport apparait insuffisante à démontrer l’existence d’un éventuel détournement de clientèle qui aurait pu caractériser la faute grave dans la lettre de notification du licenciement.

3. Préconisations :

Si ces faits ne méconnaissent pas les obligations découlant du contrat de travail, comme le rappelle la Cour de cassation, le licenciement ne peut être fautif.

Toutefois, le licenciement aurait pu être licite dès lors qu’il rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En d’autres termes, plutôt que de se placer sur le terrain disciplinaire, l’employeur aurait probablement dû licencier le salarié pour trouble objectif causé à l’entreprise résultant de la publication de cette story Instagram, constituant le critère décisif rendant impossible le maintien du contrat de travail.

Il est donc nécessaire de prendre attache, en amont, avec son avocat afin d’éviter de telles erreurs et ce, dès la lettre de notification du licenciement puisque celle-ci :

  • Fixe les limites du litige ;
  • Lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050442983?init=true&page=1&query=23-18.381&searchField=ALL&tab_selection=all